Depuis le mois de mars, les Tchadiens, majoritairement étudiants vivant à Jos, dans l’État du Plateau au Nigeria, ne connaissent plus la quiétude. Ils sont constamment harcelés et menacés d’expulsion.
Le 15 mai 2025 était la date prévue pour leur expulsion vers le Cameroun, une décision que les étudiants tchadiens contestent. S’ils doivent être expulsés, affirment-ils, c’est vers leur propre pays, et non ailleurs. Ils ont saisi le ministère tchadien des Affaires étrangères, qui a, à son tour, contacté l’ambassade de l’État fédéral du Nigeria au Tchad. Que ce soit grâce à cette médiation ou non, un sursis indéfini a été accordé aux Tchadiens. « Ce matin, la responsable du service immigration nous a dit que le rapatriement prévu aujourd’hui est annulé. Nous n’en savons pas plus », a rapporté Kodjimadji Magloire, chargé des affaires culturelles et sportives adjoint de l’Association des étudiants tchadiens à Jos.
Un jour, ils nous ont rassemblés, plus de 300, au service d’immigration. Ils ont pris plus de 120 passeports. Ils ont voulu séparer ceux qui avaient des passeports de ceux qui n’en avaient pas. Nous avons refusé.
L’exégèse du problème
Tout a commencé en mars dernier, lorsque le corps sans vie d’un policier nigérian a été retrouvé dans un quartier peuplé de Tchadiens. Ce jour-là, de nombreuses personnes, dont plusieurs Tchadiens, suivaient un match football du FC Barcelone. Elles ont été interpellées par les forces de l’ordre, puis relâchées. Quelques jours plus tard, quatre autres Tchadiens ont été arrêtés dans une autre affaire. Il s’est avéré qu’ils n’avaient pas leurs papiers en règle. C’est alors que le service d’immigration de Jos a décidé de recenser tous les Tchadiens. « Un jour, ils nous ont rassemblés, plus de 300, au service d’immigration. Ils ont pris plus de 120 passeports. Ils ont voulu séparer ceux qui avaient des passeports de ceux qui n’en avaient pas. Nous avons refusé. Nous sommes restés sous le soleil de 8 h à 16 h. Les policiers sont sortis avec des armes, je ne sais pas si c’était pour nous intimider. Mais nous n’étions pas paniqués. On s’est rassemblés pour chanter l’hymne national », témoigne Kodjimadji Magloire. Malgré les huit heures d’attente, aucun recensement n’a été effectué ce jour-là.
Nous avons été filmés comme des prisonniers
Il a fallu revenir un autre jour. « Nous avons été filmés comme des prisonniers, photographiés sous plusieurs angles. Ensuite, nous avons été soumis à des interrogatoires : par quelle voie êtes-vous entrés ? Quels sont vos documents justificatifs ? Vous êtes obligés de donner le nom de votre bailleur et son numéro. Ensuite, ils nous ont dit que nous étions entrés par des voies illégales et que nous devions rentrer chez nous pour faire les papiers nécessaires avant de revenir », poursuit Kodjimadji Magloire.
Personne ne se sent en sécurité actuellement
Des passeports confisqués
Des enquêtes ont également été menées dans les quartiers, notamment dans les centres de formation en langues. Selon les étudiants, ces enquêtes ont révélé que la plupart des centres sont dirigés par des Tchadiens, et que la majorité des apprenants sont également tchadiens. Beaucoup souhaitent rentrer, mais n’ont toujours pas pu récupérer leurs passeports. Le service d’immigration craint que, une fois leurs documents restitués, les Tchadiens disparaissent dans les quartiers sans rejoindre leur pays. « Certains sont obligés de partir, mais ils n’ont pas leurs papiers. Personne ne se sent en sécurité actuellement, et surtout, les centres sont fermés. »
Il faut toutefois rappeler qu’un communiqué du service fédéral d’immigration a été publié, demandant à tous les étrangers de régulariser leur situation. Mais le délai accordé n’est pas encore arrivé à échéance.
Lanka Daba Armel