• 15 avril 2025
  • N'Djamena

Tchad : Lutte contre la déforestation, mais à quel prix pour les ménages ?

Tchad : Lutte contre la déforestation, mais à quel prix pour les ménages ?

Le ministre de l’Environnement, de la Pêche et du Développement Durable, Hassan Bakhit Djamous, a annoncé le 11 février 2025 l’interdiction du transport et de la commercialisation du bois et du charbon. Une période d’adaptation de sept jours à N’Djamena et de quatorze jours en province est accordée à la population pour se conformer à cette nouvelle mesure, motivée par la nécessité de préserver l’environnement.

Un défi dans un pays à faible électrification

Si cette interdiction s’inscrit dans une logique de protection de l’environnement, sa mise en application soulève des préoccupations majeures. Avec un taux d’accès à l’électricité estimé à seulement 11 % en milieu urbain et à 2 % en zone rurale, une grande partie de la population dépend encore du bois et du charbon pour la cuisson et d’autres besoins domestiques.

Gaz butane : une alternative encore insuffisante

Le ministre a évoqué la subvention du gaz butane comme solution de remplacement. Cependant, l’offre actuelle peine à satisfaire la demande, même à N’Djamena. La production locale, assurée par la raffinerie de Djarmaya et les importations, reste insuffisante. En province, les prix du gaz atteignent souvent des sommets, oscillant entre 3 000 et 10 000 FCFA selon l’accessibilité des zones.

Certains observateurs estiment que l’utilisation persistante du bois de chauffe et du charbon permet aujourd’hui d’éviter une pénurie totale de gaz. L’application stricte de cette interdiction pourrait donc engendrer des tensions supplémentaires sur l’approvisionnement en énergie domestique.

Une interdiction déjà en vigueur depuis 2008

La nouvelle mesure vient renforcer une interdiction déjà inscrite dans un décret de 2008, mais dont l’application s’était révélée inefficace faute d’alternatives viables. À l’époque, de nombreux habitants de N’Djamena avaient dû brûler leurs meubles en bois pour cuisiner.

Des engagements environnementaux à concrétiser

Au-delà des interdictions, la politique environnementale du pays soulève des interrogations sur son efficacité. Chaque année, des milliers d’arbres sont plantés lors de la Semaine nationale de l’arbre, sans que leur impact ne soit réellement visible. La ceinture verte de N’Djamena, censée freiner l’avancée du désert, reste encore un projet inachevé.

Si la protection de l’environnement est une priorité pour le Tchad, elle nécessite des mesures adaptées aux réalités socio-économiques du pays et un suivi rigoureux des engagements pris. Une transition énergétique progressive et réaliste semble être la clé pour éviter des conséquences sociales imprévues.

Lanka Daba Armel