• 13 juin 2025
  • N'Djamena

Perspectives du colloque international de Moundou : mythe ou réalité ?

Perspectives du colloque international de Moundou : mythe ou réalité ?

Du 10 au 11 juin 2025, l’Université de Moundou a accueilli un colloque international de haut niveau sur le thème : « Défis et opportunités de l’employabilité des jeunes africains ». Cette rencontre scientifique, organisée pour la sixième fois par le Laboratoire de Sociologie, d’Anthropologie et des Études Africaines (LSAEA), a réuni plusieurs chercheurs et universitaires venus de divers pays du continent.

Un espace d’échange et de réflexion

Durant deux jours, la communauté académique et les étudiants ont échangé autour de problématiques majeures liées à l’emploi des jeunes en Afrique, et plus particulièrement au Tchad. Parmi les thèmes abordés : la réalité du chômage chronique des jeunes diplômés, le mythe de l’employabilité dans les zones urbaines, ou encore l’évaluation des politiques d’insertion socioéconomique, à l’image du Plan Triennal Jeunes.

Les échanges ont suscité un vif intérêt parmi les étudiants. « C’est une très bonne initiative. Nous nous sommes pleinement engagés à y participer, car cela nous concerne directement », a déclaré un étudiant visiblement enthousiasmé. Des propositions concrètes… mais quelles suites ? Les intervenants ont formulé plusieurs recommandations pour lutter contre le chômage des jeunes. Il a été notamment suggéré :

  • d’encourager la formation au numérique et à l’entrepreneuriat,
  • de promouvoir des cultures porteuses comme l’hibiscus sabdariffa,
  • de renforcer l’éducation des filles et femmes à la culture locale,
  • de valoriser les moto-taxis comme alternative au chômage,
  • et de favoriser la reconversion des diplômés sans emploi.

Un accent particulier a été mis sur l’absence de structures d’accompagnement capables d’orienter les jeunes vers une insertion durable. Les organisateurs ont plaidé pour une relecture des facteurs du chômage afin d’orienter les politiques publiques en faveur de l’auto-emploi.

Entre ambitions et réalités

Toutefois, une question cruciale demeure : ces propositions sont-elles réellement applicables dans le contexte tchadien ? Si les idées exprimées au colloque sont pertinentes, leur mise en œuvre reste incertaine sans un soutien institutionnel fort. La plupart des recommandations exigent des moyens financiers, logistiques et humains que seules des politiques étatiques cohérentes peuvent mobiliser.

Sans le concours actif du gouvernement, ces ambitions risquent de rester lettre morte. C’est là que réside l’un des grands paradoxes de cette initiative : son audace contraste avec la relative absence de réflexion sur la mobilisation de ressources étatiques ou partenariales.

Une mobilisation à renforcer

Les organisateurs du colloque méritent d’être salués pour la pertinence des thématiques abordées et pour avoir mis en lumière un enjeu aussi crucial. Cependant, l’absence d’une stratégie claire de plaidoyer auprès des pouvoirs publics pourrait compromettre la pérennité des recommandations issues de cette rencontre.

En dépit de cette faiblesse, l’initiative reste louable et devrait servir de levier pour interpeller l’État tchadien sur sa responsabilité dans la refondation du système éducatif et dans la promotion de l’emploi des jeunes.

Un chantier à ne pas abandonner

Au gré de notre analyse, loin d’être un simple mythe, le colloque de Moundou pose les jalons d’une réflexion de fond sur l’avenir professionnel de la jeunesse africaine. À condition que les acteurs publics et privés s’en emparent. Autrement, ce grand rêve d’insertion risquera, comme tant d’autres, de se dissoudre dans le silence et l’oubli.

Stephane Dingaorane, Correspondant