• 17 mai 2025
  • N'Djamena

Parc de Zakouma : De la défaillance à la tragédie

Parc de Zakouma : De la défaillance à la tragédie

Situé dans la province du Salamat, non loin de la ville d’Amtiman, le Parc national de Zakouma constitue l’un des plus importants sanctuaires de biodiversité du pays. Créé en 1963, ce parc emblématique s’étend sur plus de 3 000 km² de savane soudano-sahélienne et abrite une faune exceptionnelle : éléphants, lions, girafes, ainsi qu’une riche avifaune de plus de 380 espèces d’oiseaux. Les principales familles animales qu’on y retrouve sont notamment les Éléphantidés, les Bovidés, les Félidés et les Rhinocérotidés.

Depuis 2010, la gestion de Zakouma est assurée par l’ONG African Parks Networt (APN), en vertu d’un accord signé entre le gouvernement tchadien et l’ONG. L’accord comprend dans son essence que la responsabilité de la conservation de la biodiversité, de la protection des animaux et du renforcement de capacités nationales pour la transmission de la gestion du parc aux nationaux, incombe à l’ONG.

Si cette collaboration avait suscité de l’espoir au départ, elle est aujourd’hui non seulement décriée mais aussi au cœur de nombreuses controverses. Nos reporters dépêchés sur place ont relevé la récurrence du braconnage, l’opacité dans la gestion de ressources nationales et internationales affectées ou mobilisées au profit du parc, l’insalubrité des modestes infrastructures d’accueil et la dégradation de la biodiversité pour ne citer que ces éléments.

Parallèlement, le ministère de l’Environnement hausse le ton, multiplie les réunions et fait planer la menace de rompre l’accord si un changement radical n’est pas opéré. S’agit-il d’un réveil éphémère du gouvernement imposé par l’actualité ou d’une ferme volonté visant à mettre de l’ordre au parc Zakouma ? La question mérite d’être posée, quand on connaît les méthodes, les lobbys, les pressions, les enjeux qui entourent cet accord.

Cette situation contraste avec l’image relativement positive qu’African Parks projette dans d’autres pays, notamment au Rwanda, dans le parc national de l’Akagera, ou encore au Malawi, au parc de Liwonde, où l’organisation est saluée pour une gestion rigoureuse et un investissement soutenu. Ce double standard interroge sur l’engagement de l’ONG au Tchad.

Face à la multiplication des dérives, le gouvernement tchadien tente d’agir. En janvier 2025, des girafes ont été abattues dans l’enceinte même du parc, suivies, en mars, par la mort de plusieurs rhinocéros noirs récemment réintroduits. Ces événements ont poussé le ministre de l’Environnement à suspendre plusieurs responsables du parc pour manquements graves dans la protection de la faune.

Cette « défaillance notoire », pour reprendre les termes du ministre, a culminé dans un drame survenu ce mardi 14 mai 2025. Un avion de surveillance s’est écrasé dans le parc alors qu’il effectuait une mission de surveillance routinière. À son bord se trouvaient deux personnes : un pilote sud-africain et un agent tchadien chargé du suivi écologique. Tous deux ont malheureusement perdu la vie. Si les circonstances exactes du crash restent à élucider, des soupçons portent déjà sur un défaut potentiel de maintenance de l’appareil, qui serait un manquement fatal de trop. Une enquête a été ouverte par la Police judiciaire et les services de l’aviation civile pour faire la lumière sur les causes réelles de l’accident.

Ce drame humain vient rappeler l’urgence et la gravité de la question. Il s’ajoute à une série de manquements qui fragilisent aujourd’hui la crédibilité de la gestion du parc et engage la responsabilité de deux parties. Il relance surtout le débat sur la nécessité pour le Tchad de repenser en profondeur les partenariats liés à la conservation de son patrimoine naturel.