• 8 avril 2025
  • N'Djamena

Moundou face à l’énigme du sexe disparu

Moundou face à l’énigme du sexe disparu

Les habitants de Moundou ont dû adopter un nouveau réflexe : passer régulièrement la main entre leurs jambes, histoire de vérifier si tout est toujours en place, et si leur sexe n’a pas mystérieusement disparu. Et pour cause : une étrange pratique mystique qui, au toucher, après une salutation, ou même après un simple appel téléphonique, ferait disparaître le sexe de la victime. Résultat, la prudence est devenue la nouvelle norme. La société a tellement changé qu’aujourd’hui, être un inconnu dans la ville revient à être un potentiel suspect. Le monde est devenu tellement prudent qu’il en est devenu presque… associable. Mais ne vous inquiétez pas, cette « ablation » de la partie intime se fait sans la moindre douleur, selon plusieurs témoignages de victimes.

Recourir aux hommes de Dieu
À maintes reprises, les victimes ont fait appel à la brigade de recherche, mais sans résultat concret. « J’ai reçu des hommes venus pour ce genre de cas. Généralement, je les oriente vers la justice, car cela dépasse mes compétences. Cependant, il semble que lorsque les religieux prient avec les victimes, leur sexe revient. J’ai personnellement dirigé une victime vers un pasteur, qui a prié avec elle, et son sexe est revenu. Pour le reste, je n’en sais rien », a expliqué l’adjudant-chef Bakargué Joseph.
Contacté à ce sujet, le pasteur Nédoumyoang Salomon, secrétaire général de l’Entente des Missions et Églises Évangéliques du Tchad (EMEET), a confirmé les faits. « Le phénomène existe réellement. La sorcellerie existe, mais la puissance de Dieu aussi. Je n’ai pas encore vécu cette situation, mais je connais des collègues pasteurs qui ont prié avec des victimes, et ces dernières ont retrouvé leur sexe. Cela signifie que si tu as la foi et qu’on prie pour toi, Dieu agit. »

Des pratiques venues d’ailleurs
Mais quelle est l’origine de cette pratique ? Certains y voient une conséquence du chômage, et estiment qu’une partie de la population, faute d’opportunités, cherche des moyens extrêmes pour survivre. Pour Djimrabeye Richard, sociologue et enseignant-chercheur à l’université de Moundou, « ces pratiques sont souvent importées par des jeunes qui sont partis étudier à l’étranger. À leur retour, ne trouvant pas d’opportunités d’emploi, ils se tournent vers des activités peu légales pour joindre les deux bouts. » Selon lui, de telles pratiques sont socialement nuisibles pour les victimes, qui ne peuvent plus remplir leurs devoirs conjugaux et souffrent psychologiquement à cause des railleries et du jugement des autres.

Des morts
La situation devient de plus en plus inquiétante, et génère des conflits interminables. Un regard tourné vers la source du problème suggère la nécessité d’offrir des opportunités d’emplois à la jeunesse, afin de prévenir qu’elle ne se tourne naïvement vers ces pratiques. Dans un passé récent, un présumé auteur de vol de sexe a été pris à partie dans le quartier Doumbeur III. Il a succombé à ses blessures. Voilà une raison de plus de chercher des solutions adaptées à ce phénomène mystico-religieux, qui est devenu un véritable fléau invisible à Moundou.

STEPHANE DINGAORANE, Correspondant à Moundou

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