Initialement prévue du 29 au 31 mai, puis reportée du 9 au 11 juin, la célébration de la Fête nationale de la jeunesse tchadienne vient une nouvelle fois d’être décalée. Finalement, elle se tiendra désormais du 16 au 18 juin 2025, dans la capitale, N’Djamena, au lieu de Pala (Mayo-Kebbi Ouest), comme prévu initialement. Or, aucun motif officiel n’a été avancé pour justifier ni ce double report, ni cette délocalisation.
Selon les organisateurs, ce nouveau décalage viserait à « garantir une meilleure préparation et une implication optimale de tous les acteurs ». Néanmoins, ces changements successifs suscitent un malaise croissant au sein de la jeunesse, principale concernée, mais trop souvent laissée en marge des prises de décision, se retrouvant une fois de plus devant le fait accompli.
Une fête méconnue de sa propre cible
Instituée par le décret n°158/PR/96 du 30 mars 1996, la Fête nationale de la jeunesse se voulait un rendez-vous symbolique pour valoriser la place des jeunes dans le processus de développement national. Pourtant, force est de constater que cette célébration reste méconnue d’une large frange de la jeunesse tchadienne. Trop souvent, elle se réduit à des discours convenus et à des cérémonies folkloriques impliquant amis et proches, ce qui explique qu’elle peine à susciter une véritable mobilisation, à créer un engouement et à générer un impact tangible sur le quotidien des jeunes dans toute leur diversité. En principe, pour être porteuse de sens et de concorde nationale, cette fête devrait impliquer tous les jeunes, sans distinction de religion, de région ou d’affinités, mais autour de valeurs cardinales : l’unité nationale, la fraternité et la cohésion sociale.
Une jeunesse confrontée à des défis structurels
Par ailleurs, les défis qui assaillent la jeunesse tchadienne sont nombreux : chômage massif et chronique, accès limité à une formation professionnelle de qualité, manque de financements pour l’entrepreneuriat, précarité sanitaire, ou encore marginalisation dans les processus de décision. Malgré les déclarations officielles, les réponses institutionnelles demeurent insuffisantes, et les jeunes continuent de se heurter à un mur d’indifférence.
Cette édition 2025 devait pourtant, à en croire les annonces, marquer une rupture avec les précédentes. Les organisateurs avaient annoncé un format innovant : un dialogue intergénérationnel réunissant jeunes et figures emblématiques du pays. L’objectif affiché était alors de favoriser le partage d’expériences, d’inspirer les nouvelles générations et de bâtir un avenir fondé sur la solidarité et la responsabilité.
Un événement sans cap clair ?
Cependant, au-delà des intentions affichées, la réalité des faits interroge. Pourquoi tant de reports ? Le financement pose-t-il problème ? Les jeunes sont-ils réellement associés ou, à tout le moins, informés de ces changements ? En l’absence de réponses claires, le manque de transparence nourrit une défiance croissante et alimente un sentiment de mépris à l’égard d’une jeunesse en quête de reconnaissance et de perspectives. De surcroît, la délocalisation soudaine de Pala à N’Djamena, sans explication officielle, renforce cette impression d’improvisation. Dans un contexte national marqué par des frustrations sociales croissantes, ces signaux faibles traduisent une difficulté persistante à traduire les promesses politiques en actes concrets.
Une célébration à repenser
La Fête nationale de la jeunesse, en tant que symbole républicain, mérite mieux que des ajustements de dernière minute. Idéalement, elle devrait être une tribune d’expression authentique, un moment de réflexion collective et d’engagement sincère envers ceux qui incarnent l’avenir du pays. Or, en l’état, elle donne l’image d’un événement instrumentalisé à des fins communicationnelles, sans véritable contenu ni écoute des premiers concernés.
Enfin, pour redonner du sens à cette célébration, un effort de fond s’impose : une écoute réelle des jeunes, une planification rigoureuse, surtout une transparence dans l’organisation, et la mise en œuvre de politiques publiques ambitieuses, cohérentes et suivies d’effets.