• 11 mai 2025
  • N'Djamena

Airtel Tchad et Moov Africa, adoptent le silence face aux cris des employés

Airtel Tchad et Moov Africa, adoptent le silence face aux cris des employés

Alors que le marché de la téléphonie mobile tchadien connaît, de fil en aiguille, une croissance soutenue, dominé essentiellement par les géants Moov Africa et Airtel Tchad, cette évolution ne se traduit malheureusement pas par des retombées sociales significatives. En effet, contrats précaires, absence de perspectives d’évolution et inégalités criantes dans les recrutements ternissent le tableau d’un secteur pourtant stratégique pour le développement du pays.

Depuis deux décennies, le secteur de la téléphonie mobile au Tchad connaît une expansion remarquable. Pourtant, de nombreuses voix s’élèvent pour poser une question essentielle : où vont ces profits ? Moov Africa et Airtel Tchad, principales multinationales du domaine, concentrent l’essentiel du marché et engrangent d’importants bénéfices. Cependant, derrière cette réussite économique se cache une réalité sociale peu reluisante. « L’ignorance maintenue est une stratégie de contrôle social », affirme Noam Chomsky. Et comme pour lui faire écho, un proverbe africain rappelle : « L’ignorance du peuple est la richesse des puissants. » En effet, installés au Tchad depuis les années 2000, ces opérateurs promettaient innovation, accessibilité et création d’emplois. Deux décennies plus tard, force est de constater que ces espoirs se sont largement estompés. Les abonnés se plaignent régulièrement de la mauvaise qualité des services, notamment en ce qui concerne l’Internet et les communications. Pire encore, les opportunités d’emploi qu’ils étaient censés offrir aux jeunes Tchadiens demeurent limitées, instables et peu valorisantes.

Sur le terrain, les témoignages des travailleurs mettent en lumière la précarité des conditions d’emploi. En effet, la majorité sont recrutés via des sous-traitants ou sous contrats à durée déterminée, opérant sans couverture sociale, sans syndicat et avec des salaires peu compétitifs. Les secteurs du marketing, de la logistique ou de la vente sont particulièrement touchés par cette insécurité. Par ailleurs, les postes de direction restent, dans leur grande majorité, inaccessibles aux Tchadiens. Ce déséquilibre entrave la montée en compétences locales et nourrit un profond sentiment d’exclusion. Plusieurs jeunes professionnels préfèrent ainsi quitter ces entreprises, déçus par l’absence de perspectives d’évolution.

En dépit de leur rôle central dans l’économie numérique du pays, Moov Africa et Airtel Tchad peinent à mettre en place une politique de responsabilité sociale à la hauteur des attentes. Le déficit d’investissement dans la formation continue, le manque de transparence dans les processus de recrutement et la rareté des promotions internes ne font qu’accentuer le malaise au sein des équipes. Dès lors, alors que le Tchad aspire à une transformation numérique inclusive et durable, la jeunesse continue d’attendre que cette révolution technologique profite aussi à ceux qui la portent. Le gouvernement est désormais interpellé : il lui revient de faire appliquer rigoureusement les normes du travail et d’exiger des opérateurs une responsabilité sociale à la mesure des gains qu’ils réalisent.

Car, en définitive, aucune croissance durable ne peut se construire sur des fondations aussi inéquitables.