• 8 mai 2025
  • N'Djamena

De l’ordre au désordre – Irruptions dans les foyers, intimidations et dérives d’une institution en roue libre

De l’ordre au désordre – Irruptions dans les foyers, intimidations et dérives d’une institution en roue libre

Ce mercredi 7 mai 2025, dans le quartier de Walia à N’Djamena, un contrôle douanier jugé abusif et léonin a dégénéré en affrontement entre agents et riverains. Cette scène honteuse et scandaleuse, devenue presque familière dans les zones frontalières, illustre de manière préoccupante les dérives d’un système douanier gangrené par l’arbitraire et les pratiques informelles. Ce constat appelle une enquête sérieuse sur une institution manifestement en perte de repères.

En effet, aux alentours de 9h30 ce mercredi, une femme revenant de Kousseri a été interceptée par des agents de la douane tchadienne dans le quartier de Walia, alors même qu’elle avait déjà franchi le poste frontalier. Ces agents, circulant à bord d’un pick-up, l’auraient arrêtée à un point de contrôle non officiel où, selon plusieurs usagers habitués de la traversée, des paiements informels allant de 500 à 1 000 francs CFA sont couramment exigés. Face à une attitude perçue comme agressive et belliqueuse, la femme aurait cherché refuge dans une concession privée. Or, la tentative des agents de pénétrer de manière abracadabrantesque dans cette propriété a aussitôt provoqué la colère des riverains, qui ont dénoncé une violation manifeste de domicile ainsi qu’un comportement ouvertement intimidant et effrayant.

Ainsi, cette intervention a ravivé une tension sociale déjà nourrie par l’arbitraire ambiant. Plusieurs témoins ont pointé du doigt un usage disproportionné de l’autorité de la part d’une institution dirigée par le Général Ousmane Brahim Djouma. À cela s’ajoutent un mépris apparent des droits civils et un manque criant de professionnalisme. En l’espace de quelques heures, l’affaire a embrasé les réseaux sociaux, révélant, une fois de plus, une fracture profonde entre les populations civiles et une douane perçue comme brutale, voire opaque.

De surcroît, cet incident n’est nullement isolé. Depuis plusieurs mois, les zones frontalières sont le théâtre de contrôles aléatoires, d’exactions verbales, d’intimidations et d’extorsions déguisées. Ce climat entretient un sentiment de peur et de méfiance, deux émotions totalement incompatibles avec la mission de service public que la douane est censée incarner. Au fond, cette indignation populaire met en lumière une problématique structurelle : l’absence de cadre de contrôle rigoureux, la banalisation des pratiques informelles et, surtout, le mutisme complice des autorités de tutelle. Trop souvent, les agents douaniers agissent en dehors de tout dispositif transparent, jouissant d’une marge de manœuvre qui frôle l’abus de pouvoir. Dès lors, face à la montée des tensions, une réforme en profondeur s’impose comme une nécessité. Celle-ci devrait inclure des formations axées sur les droits humains, un encadrement strict des interventions, ainsi que la mise en place de mécanismes de plainte accessibles et indépendants. Par ailleurs, il est essentiel d’instaurer un dialogue sincère avec les communautés afin de recoudre les liens sociaux abîmés par des années de pratiques autoritaires.

Enfin, la douane tchadienne cristallise un paradoxe troublant. Tout en étant un pilier de la sécurité économique nationale, elle risque, si elle persiste dans ses méthodes actuelles, de devenir le symbole d’une injustice institutionnalisée. Il devient donc impératif de replacer le respect de la loi, la dignité des citoyens et l’éthique professionnelle au cœur de son action. Pour qu’enfin, la douane protège sans opprimer, sans intimider et que l’ordre ne soit plus synonyme de désordre.